18/07/2024

La respiration et l’odorat (première partie)

Par:  nicolas Hunold
Cet article vous est proposé par Nicolas Hunold, instructeur Oxygen Advantage – animateur en marche Afghane – conseiller en cohérence cardiaque et coach en respiration formée par l’Academy Inspire.

Grâce à mon parcours d’éducateur de santé naturelle et de coach en respiration formé par l’Academy Inspire, je connais l’importance de la respiration nasale dans la mise en place d’une respiration fonctionnelle bénéfique à la santé.

Dans mes deux précédents articles, « les bienfaits de la marche Afghane » et « La respiration pour la performance et la santé vocale des artistes lyriques », j’ai d’ailleurs développé les principaux bienfaits :

  • Filtrer et éliminer germes, bactéries et virus ;
  • Humidifier et réchauffer l’air entrant ;
  • Diminuer les pertes d’eau et de chaleur ;
  • Absorber 10 à 20% d’oxygène en plus qu’en respirant par la bouche ;
  • Produire de l’oxyde nitrique favorisant l’utilisation de l’oxygène ;
  • Diminuer les symptômes d’obstruction nasale ;
  • Prévenir les troubles du sommeil liés aux ronflements et aux apnées obstructives du sommeil ;
  • Stimuler le tonus vagal et l’équilibre du système nerveux autonome ;
  • Optimiser l’amplitude diaphragmatique essentielle à la santé de la colonne vertébrale ;
  • Améliorer la posture de la tête ;
  • Prévenir les troubles de la voix et des cordes vocales ;
  • Prévenir le développement de caries dentaires et maladies gingivale…
Toutefois, il me semble qu’un élément essentiel est largement oublié lorsque l’on énumère les rôles et les bienfaits de la respiration nasale… Je pense à l’odorat !

Lors de mon cursus d’éducateur de santé naturelle à la Faculté Libre de Médecines Naturelles et d’Ethnomédecines fondée à Paris par Jean Pierre Willem, spécialiste des médecines naturelles, j’ai eu la chance de suivre les cours d’Aromathérapie de Pierre Franchomme, pionnier de l’aromathérapie scientifique en France, ainsi que les cours d’Aromachologie (science des odeurs et de leurs influences sur le psychisme et le comportement) de Patty Canac, experte en évaluation de parfum et en thérapie olfactive.

Ces deux grands professionnels m’ont ainsi permis de découvrir les propriétés des huiles essentielles, notamment par la voie olfactive, dans la recherche du bien-être psycho-émotionnel.

Dans la préface du livre de Leonardo Pelagotti : « La respiration pour la maitrise de soi : La voie du biohacking », Fabien Moine souligne qu’en matière de santé « la respiration reste le facteur le plus négligé ».

En tant que coach en respiration et praticien aromachologue, je pense que l’odorat est, quant à lui, le facteur le plus négligé dans les techniques de respiration et le breathwork actuel.

Alors même que l’odorat constitue un système directement greffé à la respiration et, nous le verrons dans cet article, directement connecté à notre cerveau, notre mémoire et nos émotions.

Aussi, au même titre que les bains froids, la lumière ou la musique, l’olfaction est, selon moi, une technique de biohacking, reliée à la respiration nasale, permettant de changer son état physiologique afin d’atteindre certains objectifs.

Si notre odorat est beaucoup moins sensible que chez certains animaux. Nous pouvons toutefois reconnaître des centaines d’odeurs distinctes.

Ce chiffre peut même monter à plusieurs milliers d’odeurs chez les « athlètes du nez » les plus entraînés comme les parfumeurs et les œnologues. Malgré cela, la plupart d’entre nous, nous nous préoccupons plus volontiers de nos yeux et de nos oreilles que de notre nez…

Pertes d’odorat


Avec la Covid-19, les pertes d’odorat totale (anosmie) ou partielle (hyposmie) furent malheureusement des symptômes assez fréquents. Avant la Covid-19, on estimait que 10 à 15 % de la population souffraient d’un trouble de l’odorat plus ou moins sévère.

Parmi les principales causes, on trouvait d’autres maladies virales respiratoires (rhumes, sinusites, grippes), les traumatismes crâniens avec atteinte du nerfolfactif, le vieillissement physiologique de l’odorat chez les personnes âgées.

Sachez toutefois qu’une diminution brutale de l’odorat peut aussi traduire un stress chronique ou une dépression nerveuse, avec une absence d’interactions sociales et de désirs. Il se pourrait même que la perte de l’odorat soit l’un des premiers signes des maladies neurodégénératives comme Alzheimer et Parkinson, et cela bien enamont de leurs diagnostics…

Rôles de l’odorat


L’odorat est essentiel au niveau physiologique, cognitif et comportemental. Connecté à notre respiration, notre odorat perçoit constamment des informations de notre environnement, de nos semblables et de nous-même.

Il nous permet ainsi d’analyser en temps réel l’air ambiant (les odeurs) et les sécrétions chimiques (les phéromones) émises par nos semblables.

De fait, à chaque inspiration, des informations conscientes et inconscientes sont donc récoltées et vont influencer nos émotions, nos décisions et nos choix relationnels. En somme, à chaque inspiration notre odorat nous connecte à notre environnement !

Le parcours d’une odeur


En moyenne, nous inspirons 25000 fois par jour, soit environ 12000 litres d’air !

A chaque fois, l’air inspiré par le nez accompli le même voyage aller, des narines aux poumons en passant par le pharynx, le larynx, la trachée, les bronches, les bronchioles jusqu’aux alvéoles pulmonaires où se produit l’échange gazeux entre l’air et le sang.

C’est le trajet de l’oxygène le plus connue. Néanmoins, l’air inspiré est aussi un moyen pour d’innombrables composés organiques volatiles dispersés dans notre environnement, de parcourir un autre itinéraire : des narines au cerveau.

Ainsi, à chaque inspiration, des molécules vont d’abord être détectés, puis traduites en signal électrique et ensuite exciter une zone spécifique du cerveau. C’est l’odorat !

Pour rappel, une molécule capable d’être perçue par l’odorat s’appelle une molécule osmophore. La perception de ces molécules osmophores suit 2 itinéraires potentiels :

  1. La voie orthonasale ou olfaction primaire qui représente la perception des molécules olfactives par notre cavité nasale lorsque nous inspirons (celle qui nous intéresse ici) ;

  2. La voie rétronasale ou rétro-olfaction où les gouts et les odeurs remontent par la gorge.

    •  A noter la participation du nerf trijumeau qui a des terminaisons dans le nez, les yeux et la gorge. Ce circuit différent va enrichir notre capacité à détecter les odeurs. Il est par exemple responsable des larmes lorsque nous épluchons un oignon !



Pour comprendre l’odorat, nous suivrons donc le trajet d’une odeur par sa voie orthonasale :


A chaque inspiration, l’air ambiant passent dans nos narines et apporte avec lui toutes les molécules odorantes qui nous entourent :

– A l’intérieur de chaque narine se trouvent les fosses nasales constituées de trois cornets nasaux (inférieur, médiant etsupérieur) :

  • Le premier et le deuxième cornet réchauffent et humidifient l’air inspiré ;

  • Le troisième, le cornet supérieur, abrite une muqueuse appelée l’épithélium olfactif.

L’épithélium olfactif (environ 2cm², la taille d’un timbre) contient et protège des millions de cellules nerveuses spécialisées appelées neurones olfactifs :

– Ces neurones olfactifs ont la capacité de se régénérer de façon permanente et représente le seul tissu nerveux de l’organisme en contact direct avec le milieu extérieur et notre environnement via l’air inspiré :

  • Ils possèdent des milliards de récepteurs olfactifs extrêmement sensibles appelés cils olfactifs qui détectent les molécules chimiques odorantes ;

  • Les neurones olfactifs meurent toutes les 3 ou 4 semaines et sont remplacés par des nouveaux neurones provenant d’une autre région du cerveau appelée zone sous ventriculaire qui contient du liquide céphalo rachidien : Cette neurogénèse est améliorée par l’activité physique, les interactions sociales, les interactions avec les odeurs, les niveaux de dopamine et d’acétylcholine (qui boost adrénaline, noradrénaline dopamine).


– La reconnaissance chimique est ensuite transformée en signal électrique conduit par le nerf olfactif en direction du bulbe olfactif situé dans le cerveau ;

– Avant d’arriver au bulbe olfactif, l’information conduite par le neurone olfactif doit traverser une lame osseuse percée de petits trous appelée « lame criblée de l’ethmoïde » ;

– Le bulbe olfactif rassemble au sein de glomérules tous les neurones olfactifs qui arrivent depuis l’épithélium olfactif pour produire un premier tri olfactif :

  • Les informations olfactives se distribuent dans les différentes zones du cerveau qui vont analyser les informations selon leurs spécialités :

Plusieurs directions sont ainsi possibles :

– Le système limbique, siège des émotions et de la mémoire :


  • L’amygdale traite l’émotion, agréable ou désagréable, déclenchée par l’odeur ;

  • L’hippocampe joue un rôle essentiel dans le processus de mémorisation des odeurs.


– Le cortex orbitofrontal, siège du raisonnement et de l’apprentissage, qui va décrypter plus finement l’odeur, la relier aux autres sens, lui associer des mots et permet la conscience de ce que nous sentons en l’analysant et en l’identifiant.

Plusieurs réponses sont alors possibles :

– Une réponse olfactive innée (vigilance) liée à l’amygdale ;

– Une réponse olfactive apprise (souvenir) liée à l’hippocampe.

Odorat et santé


De l’antiquité jusqu’au milieu du XIX siècle, les odeurs et les parfums ont été utilisés comme des médicaments. Selon les Grecs, les maladies naissaient de la putréfaction des éléments qui répandaient alors des odeurs fétides pénétrant les corps et provoquant des maladies. A contrario, les matières aromatiques tributaires du soleil étaient considérées comme curatives.

  Au Moyen-Age, les parfums et les odeurs, furent aussi indissociables des soins de l’âme et des corps. Pour Avicenne, médecin philosophe d’origine iranienne, « l’intérêt d’utiliser les senteurs excellentes, c’est qu’elles fortifient les sens.

Or quand ceux-ci sont forts, les pensées sont exactes et leurs conclusions droites ». Avicenne nous proposait ainsi, dès le Xème siècle, une vision du biohacking, utilisant les odeurs pour renforcer et optimiser la valeur psychologique et morale des individus ! Au japon, dès les années 1980, pour lutter contre la forte hausse du stress et des burn-out dans la population active, les autorités publiques se sont intéressées à l’influence des environnements forestiers sur la santé. pour mener à bien des politiques de prévention.

Ainsi, en 1995, il a été observé que des sujets qui passaient 40 minutes en forêt le matin et l’après-midi voyaient une diminution de leur taux de cortisol salivaire et de leur pression artérielle. C’est la première fois que l’effet déstressant du « Shinrin-Yoku » (littéralement « prendre l’atmosphère de la forêt ») fut mesuré. Avec le temps, des chercheurs réussiront à démontrer que le stress peut être réguler par les informations perçues en forêt de façon visuelle, auditive et olfactive.

En effet dans la forêt, l’odorat du promeneur perçoit, à l’inspiration, des composés organiques volatiles (phytoncides) diffuser par les arbres dans l’air pour se défendre contre des micro-organismes pathogènes.

Au Japon, les phytoncides sont un sujet d’étude important en matière de prévention santé. Car en chargeant l’air des forêts d’ions négatifs, ils participeraient à la baisse du taux de cortisol et de la pression artérielle du promeneur.

De surcroit, ils stimuleraient la production des lymphocytes « Natural Killer » (NK), favorisant in fine l’immunité innée. Le gouvernement japonais a ainsi labellisé des chemins forestiers à vertu thérapeutique en tenant compte des essences d’arbres présent. Certaines essences de Cèdres auraient, par exemple, pour effet de faire baisser la pression sanguine systolique et ce, dès 40 à 60 secondes après l’inhalation.

 

En 2004, le docteur Qing Li a démontré scientifiquement que l’inhalation des terpènes (phytoncides), produisait une réduction significative du stress, de l’anxiété, de la fatigue, avec de surcroit une amélioration du sommeil et de la variabilité de la fréquence cardiaque. Aujourd’hui, ses recherches s’orientent même vers le traitement de l’hypertension, le diabète et la dépression.

En outre, pour lui, « c’est cette capacité des bains de forêt à renforcer notre système immunitaire qui est primordiale et centrale ». Malheureusement, malgré ces résultats encourageants du côté japonais, la recherche scientifique occidentale néglige ces recherches sur les bienfaits physiologique de l’odorat. Peut-être qu’ici l’odorat, contrairement à d’autres sens comme la vue ou l’ouïe, n’est simplement pas considéré comme nécessaire à la survie… Néanmoins, les européens s’intéressent, notamment sous l’impulsion des parfumeurs, aux effets psychologiques de l’odorat.  

En France, Patty Canac, créatrice de parfums pour de nombreuses marques de luxe, professeur à l’Institut Supérieur International du Parfum, de la Cosmétique et de l’Aromatique alimentaire de Versailles, est une experte en aromachologie. L’aromachologie c’est la symbiose de l’art de la parfumerie et de l’approche thérapeutique des odeurs et des huiles essentielles. Elle utilise ainsi les odeurs à des fins thérapeutiques en milieu hospitalier à Paris (Hôpital Raymond-Poincaré de Garches, service neurologique / Hôpital Salpetrière, service des maladies du système nerveux / Hôpital Ambroise Paré, service gériatrie pour Alzheimer).

Depuis 2010, Patty Canac forme même les équipes médicales à l’utilisation thérapeutique des odeurs pour le bien-être psycho-émotionnel, l’équilibre du système nerveux et le travail mémoriel des patients.

De fait, en choisissant judicieusement les huiles essentielles sur la base des recherches scientifiques en aromathérapie et selon un protocole de respiration (le plus souvent la cohérence cardiaque), les odeurs peuvent aider réguler l’activité du cerveau limbique et du système nerveux autonome.

En somme, les odeurs sont ici utilisées pour effectuer un travail sur soi, réduire le stress, l’anxiété, les phobies, les addictions, réguler les émotions, les traumas et diminuer les troubles cognitifs (concentration et mémorisation).

Pour conclure cette première partie, en tant que coach en respiration et praticien aromachologue, il me semble donc tout à fait opportun voire novateur de combiner l’olfaction et les nombreuses techniques de respiration consciente à notre disposition.

Cette combinaison pourrait, je l’espère, devenir une nouvelle pratique de biohacking utilisant la nature (les huiles essentielles issus de la biodiversité), la science (l’aromathérapie) et la physiologie humaine (la respiration et l’odorat) pour préserver et renforcer notre physiologie, nos capacités cognitives et notre bien-être psycho-émotionnel.

Cet aspect tourné vers la pratique sera l’objet d’une deuxième partie ! D’ici là, connectez-vous à votre odorat, inspirez, sentez et (re)sentez le plus souvent possible !

A bientôt.

Par Nicolas Hunold, coach en respiration

Nicolas Hunold – Instructeur Oxygen Advantage – Animateur en marche Afghane – Conseiller en Cohérence Cardiaque

Pour Nicolas, savoir respirer est une compétence essentielle pour exprimer notre plein potentiel et notre pleine vitalité. Professionnel du bien-être spécialisé dans la gestion du stress et des TMS, Nicolas accompagne notamment les artistes lyriques optimisant leur respiration pour la performance et la santé vocale.


Nicolas vous propose des accompagnements individualisés sur 5 séances, ainsi que des séances individuelles et des ateliers thématiques.

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